Les Commentaires des lectures

Chaque semaine, vous trouvez sur notre site des commentaires des lectures du dimanche, proposés par l’abbaye de Chevetogne (Belgique) et transmis par l’abbé Patrick.
Ceci peut nous aider à approfondir notre réflexion sur les textes lus le dimanche.
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Ci-dessous: le commentaire de l’évangile du dimanche Dimanche 21 juillet 2024, 16ème dimanche – Année B

EVANGILE – selon Saint Marc 6, 30-34

RETOUR DE MISSION : REPOSEZ-VOUS UN PEU
Dimanche dernier, nous avions assisté à l’envoi en mission des Douze pour la première fois (Mc 6,7-13) ; et Marc décrivait rapidement la façon dont ils s’en étaient acquittés : « Ils partirent, et proclamèrent qu’il fallait se convertir. Ils expulsaient beaucoup de démons, faisaient des onctions d’huile à de nombreux malades, et les guérissaient. » (6,12-13). Ils ont donc fait très exactement ce qu’ils voient Jésus faire depuis le début de leur rencontre : guérir les malades, chasser les démons, enseigner ; Marc veut certainement faire entendre à ses lecteurs que la mission des Douze est dans la parfaite continuité de celle de Jésus.
Car il a pris bien soin de les décrire en parallèle ; on peut noter en effet que le début de la mission de Jésus et celui de la mission des Douze sont semblables : le lieu est le même (la Galilée), et surtout le contexte : Jésus a commencé « après que Jean (Baptiste) eut été livré » (1,14), les apôtres commencent à leur tour au moment de la mort du même Jean-Baptiste : puisque Marc raconte l’arrestation et l’exécution de Jean-Baptiste dans l’intervalle entre leur envoi en mission par Jésus et leur retour (6,17-29). Quant au contenu de l’enseignement, s’il n’est pas précisé, c’est parce qu’il ressemble certainement à celui du Maître, résumé par Marc au début de son évangile : « Après l’arrestation de Jean (Baptiste), Jésus partit pour la Galilée proclamer l’Evangile de Dieu ; il disait : « Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à l’Evangile. » (Mc 1,14-15).
Voici donc maintenant le retour des Douze : « Après leur première mission, les apôtres se réunirent auprès de Jésus, et lui annoncèrent tout ce qu’ils avaient fait et enseigné. » C’est la première fois que Marc emploie le mot « apôtres » (qui signifie « envoyés » en mission), jusqu’ici il les appelait les « disciples » (« enseignés ») : désormais, ils partageront la mission de Jésus.
Curieusement, à leur retour, la première chose qu’il leur propose, c’est de prendre de la distance : « Venez à l’écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu. » Si l’on se souvient, après sa première journée à Capharnaüm, où il avait abondamment enseigné, guéri les malades, chassé les démons (1,21-34), Jésus aussi avait pris de la distance. Marc notait : « Le lendemain, Jésus se leva, bien avant l’aube. Il sortit et se rendit dans un endroit désert, et là il priait. » (1,35). Il s’était arraché au succès et était parti se ressourcer dans la prière. Les « envoyés » de tous les temps sont certainement invités ici à en faire autant : Marc répète à deux reprises cette retraite de Jésus et ses apôtres « à l’écart dans un endroit désert » (v. 31 et 32). Entre ces deux précisions qui forment une « inclusion », Marc a noté la présence de la foule : manière de nous dire ‘ce n’est pas une fuite-dérobade que Jésus leur propose, c’est un ressourcement pour mieux servir la foule’. A Capharnaüm, c’est dans cette pause que Jésus avait puisé la force de s’arracher à la tentation de s’installer (1,38).
AU SERVICE DE LA MULTITUDE
Mais la foule les suit, elle s’impose et avec elle, s’impose l’urgence de la mission ; dans son évangile, Marc insiste souvent sur cette présence de la foule qui poursuit Jésus partout : par exemple dans le récit de l’appel de Matthieu : « Toute la foule venait à lui et il les enseignait. » (Mc 2,13) ; ou pour introduire le discours en paraboles : « Jésus se mit à enseigner de nouveau, au bord de la mer de Galilée. Une foule très nombreuse se rassembla près de lui, si bien qu’il monta dans une barque où il s’assit. Il était sur la mer et toute la foule était près de la mer sur le rivage. » (Mc 4,1) ; ou encore, à Gennésareth : « Dans tous les endroits où il se rendait, dans les villages, les villes ou les campagnes, on déposait les infirmes sur les places. Ils le suppliaient de leur laisser toucher ne serait-ce que la frange de son manteau. Et tous ceux qui la touchèrent étaient sauvés. » (6,56). Marc insiste, cette foule ne vient pas seulement de Galilée, elle vient de partout : « Jésus se retira avec ses disciples près de la mer, et une grande multitude de gens, venus de la Galilée, le suivirent. De Judée, de Jérusalem, d’Idumée, de Transjordanie, et de la région de Tyr et de Sidon vinrent aussi à lui une multitude de gens qui avaient entendu parler de ce qu’il faisait. Il dit à ses disciples de tenir une barque à sa disposition pour que la foule ne l’écrase pas. Car il avait fait beaucoup de guérisons, si bien que tous ceux qui souffraient de quelque mal se précipitaient sur lui pour le toucher. » (3,7-10). Et cette foule reste parfois des jours à l’écouter.
C’est ce qui décidera Jésus à accomplir la deuxième multiplication des pains : « En ces jours-là, comme il y avait de nouveau une grande foule, et que les gens n’avaient rien à manger, Jésus appelle à lui ses disciples et leur dit : ‘J’ai de la compassion pour cette foule, car depuis trois jours déjà ils restent auprès de moi, et n’ont rien à manger. Si je les renvoie chez eux à jeun, ils vont défaillir en chemin, et certains d’entre eux sont venus de loin.’ » (Mc 8,1-3).
Tout ceci fait donc penser que Jésus a reçu un très bon accueil de la plupart de ses contemporains ; mais ce succès même a déclenché l’inquiétude des autorités religieuses : dès le chapitre 3, on apprend que des scribes sont « descendus de Jérusalem » (3,22).
Revenons à notre texte : en débarquant, Jésus vit donc cette grande foule (cinq mille hommes), « il fut saisi de compassion envers eux parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger. Alors, il se mit à les enseigner longuement. » Il les instruit d’abord, il accomplira une première multiplication des pains, ensuite (6,35-44). Deux manières de les nourrir. Quand Marc dit la pitié de Jésus, il utilise le mot grec (« splangna ») qui désigne les entrailles, la profondeur de l’être ; c’est un équivalent du mot hébreu (« rahamim ») que l’on traduit souvent par miséricorde. Rien d’étonnant à ce que Jésus éprouve pour les hommes la pitié même de Dieu, une pitié telle qu’il a envoyée son Fils ; Marc, à la différence de Jean (Jn 10), ne développe pas le thème du bon pasteur, mais il est présent ici en filigrane : « Il fut saisi de compassion envers eux parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger. » On entend résonner ici les plaintes de Jérémie sur les mauvais pasteurs qui ont mal dirigé le peuple d’Israël (c’était le sujet de notre première lecture). Et, depuis des siècles, on attendait le Messie qui serait un vrai bon berger. Cette fois, nous dit Marc, le Bon Pasteur, le Messie est parmi nous.
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Complément
« Venez à l’écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu… Alors, ils partirent en barque, pour un endroit désert, à l’écart. » On a donc le droit de se reposer ! Serait-ce tout simplement de l’humilité et de la confiance ? A rapprocher du Psaume 126/127 : « Dieu comble son bien-aimé qui dort… En vain, tu retardes le moment de ton repos … Tu devances le jour »